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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

La truffe

La truffe est un champignon de la famille des Tubéracées.  Elle pousse sous terre ce qui la rend difficile à trouver. On la trouve surtout au pied des chênes, mais aussi au pied d'autres arbres comme les noisetiers, les pins ou les tilleuls.  

 

Les principales espèces de truffes 

  

- La plus recherchée est la truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum) qui ne pousse pas uniquement dans cette région d'ailleurs ! C'est la "rabasse" de Provence !

 

 

Elle est recouverte de petites "verrues" noires et sa chair noirâtre est marbrée de veines blanchâtres très fines. Son parfum est facile à reconnaître quand elle est fraîche et qu'on l'a senti une fois !

 

 

  Truffe noire du Périgord coupée en deux

 

- Un non-spécialiste la confond souvent avec une autre variété de truffe noire,  la brumale (tuber brumale). Elle est de couleur noirâtre mais à tendance à rougir (on l'appelle "rougeotte" en Provence). Les verrues sont très rapprochées. Elle s'épluche très facilement ce qui n'est pas le cas de la melanosporum. Plus petite, elle a des veines blanchâtres beaucoup plus épaisses et son odeur est plus marquée.

 

 

Elle pousse à la même période et sur les mêmes arbres ce qui met les deux espèces en concurrence.

 

- Il existe aussi la truffe blanche (tuber magnatum). Celle qui pousse à Alba en Italie est très renommée. Elle ressemble à un tubercule blanc ou ocre clair veiné de blanc et peut dépasser les 10 cm de diamètre. 

 

Photo internet

 

- Enfin, il existe la truffe blanche d'été ou "truffe de la Saint-Jean" (tuber aestivum) moins savoureuse avec une chair claire et peu parfumée. Elle est fréquente en France et en Italie. Plus petite, elle dépasse rarement la taille d’œuf. Elle est noirâtre à l'extérieur mais claire (grise ou brunâtre) à l'intérieur et traversée de veines blanches.

 

 

Elle a une odeur de champignon des bois.

Elle est très proche de la truffe de Bourgogne (tuber uncinatum).

 

 

Un peu d'histoire

 

La truffe est connue depuis l'Antiquité. Les hommes ont toujours vanté sa saveur et elle a toujours été perçue, vue sa rareté comme un aliment de prestige. Les romains la considérait comme un présent des Dieux. Ils la servaient en fin de repas et l'assaisonnaient avec de nombreuses épices qui devaient en masquer le goût...mais elle était surtout consommée pour ses vertus aphrodisiaques !

Elle a malheureusement toujours été coûteuse ce qui lui vaut aujourd'hui d'être appelée le diamant noir.

Autrefois les hommes croyaient que les truffes se formaient lors des orages au moment où la foudre frappait le sol ! En effet, il n'était pas rare que les paysans en trouvent après les fortes pluies... Le ruissellement de  l'eau en surface faisait sortir la truffe du sol !

 

Durant le Moyen âge, elle aurait eu la réputation d'être maléfique et diabolique.

 

A la Renaissance, on retrouve la truffe dans les menus des fêtes princières et en Provence chez  les papes d'Avignon.

 

C'est Jean Anthelme Brillat-Savarin, illustre gastronome français,  qui redonna à la truffe ses lettres de noblesse. On lui doit le célèbre livre intitulé "Physiologie du goût" dans lequel plusieurs pages traitent du sujet.

 

 

A. Brillat-Savarin eut le mérite de faire de l'art culinaire une véritable science.

C'est de lui que provient la célèbre maxime : "Dis-moi ce que tu manges je te dirais qui tu es" et bien d'autres.

 

A la fin du XIX° siècle, c'est l'apogée de la production en France. Dans les régions viticoles du sud-ouest, le phylloxéra amène les paysans à l'abandon massif des vignes ce qui permet l'extension des truffières. 

Dans le sud-est, des crues dévastatrices amènent les communes à reboiser pour maintenir les sols. Dans le Mont Ventoux, en particulier, la truffe prospère...

   

Au début du XX° siècle, la production française atteint les 1 000 tonnes et la moitié des départements français sont producteurs.

 

Puis, il y a une baisse importante de la production liée à l'abandon des plantations et des terres par les jeunes générations, surtout après la première guerre mondiale, mais aussi au déboisement et  à l'utilisation des pesticides.

 

Aujourd'hui, depuis les années 1960-1970, la production reprend. On inocule du mycélium de truffe (c'est-à-dire des filaments) directement sur les racines des jeunes arbres. La plupart de ces filaments se développent et les premières récoltes de truffes se produisent  4 à 5 années  après l'ensemencement.

 

Qui a inventé la trufficulture en Provence ?

 

 

C'est en 1808 que Joseph Talon, né près de Saint Saturnin-d'Apt dans le Vaucluse, a  l'idée de planter sur une de ses terres, des glands ramassés au pied de chênes truffiers. Les petits chênes poussent. Au pied de ces chênes il ramasse dix ans plus tard des "rabasses" (je le rappelle c'est le nom des truffes en Provence).

Le rabassier (=cueilleur) depuis toujours, la petite histoire dit qu'il renouvelle cette expérience sur des terres arides et ... s'enrichit. Pourtant dans sa ferme on cultive comme ailleurs l'épeautre, l'olivier, la lavande et la vigne !

Tout le monde veut l'imiter et l'histoire dit que les contreforts du Mont Ventoux se couvrent de chênes !

Mais certains n'ont pas la patience d'attendre dix  années...

Joseph Talon a alors l'idée de leur vendre des plants provenant de sa chênaie... Les premier plants mycorhizés étaient nés !

Auguste Rousseau en 1855 présente les truffes obtenues avec la méthode Talon, à l'exposition universelle de Paris. Il obtient la médaille d'or...

 

Joseph Talon est donc le père de la trufficulture provençale (c'est le nom donné à la culture de la truffe). De nombreuses statues  lui rendent hommage dans le Vaucluse.

 

L'idée de Joseph Talon avait déjà été découverte en France dans d'autres départements comme la Vienne par exemple où Pierre Mauléon avait dès 1790 eut lui aussi l'idée de semer des glands. C'est donc lui le père officiel de la trufficulture française.

 

Aujourd'hui le Vaucluse est le premier département producteur de truffes (le sud-est produit 70 % de la production française). D'où l'importance du marché aux truffes de Carpentras qui fixe les prix pour la saison, et propose des truffes de qualités et aux normes définies par un accord interprofessionnel en 2006. La France produit  les 2/3 de la production mondiale !

 

 

Comment pousse la truffe ?

 

La truffe a besoin d'un arbre pour pousser. Il s'agit d'une véritable symbiose avec le chêne blanc ou vert, le noisetier, le frêne, parfois le charme et le tilleul. C'est un champignon saprophyte qui se nourrit de débris végétaux en décomposition. Elle aime les sols calcaires.

Elle a aussi besoin d'eau les derniers quinze jours du mois d'août.

La truffe est arrondie et lobée. Elle est enfouie dans le sol entre 5 à 25 cm. Son poids varie entre 20 et 100 g mais on peut en trouver des plus grosses. Son cycle de vie (voir plus loin dans l'article) commence au printemps, puis elle se développe et grossit tout l'été pour arriver à maturité à la fin de l'automne dès les premières gelées.

Les plants mis en terre depuis 10 ans atteindront leur pleine maturité en 2050. Il faudra donc si les étés continuent à être trop secs, planter des truffières plus au nord ou sélectionner d'autres espèces de truffes.

Certains chercheurs de l'INRA pensent que c'est à cause du réchauffement climatique et cherchent des solutions durables : irrigation, paillage, nouveaux arbres truffiers (comme par exemple le chêne vert). C'est L'INRA en effet, qui depuis 1970 a mis au point les techniques d'inoculation qui ont permis de commercialiser les plants d'arbres truffiers.

Les trufficulteurs italiens ont aussi beaucoup à nous apprendre : par exemple, les arbres sont taillés pour pouvoir s'élargir au lieu de pousser en hauteur, protégeant du soleil et de la déshydratation les truffes...

 

Remarque : L'apparition dans les Alpilles d'une truffe connue au Maroc, la truffe du désert du genre terfezia, est surprenante.

 

Un peu de botanique pour comprendre

 

La truffe est le carpophore (ou le sporophore) du champignon (c'est l'équivalent du chapeau des champignons vivant à l'air libre). Ce n'est qu'une étape visible et délicieuse dans le cycle de vie du champignon mais indispensable.

 

Dans la classification botanique des champignons, la truffe est un Ascomycète (=les spores utiles à la reproduction sont enfermées dans des sacs appelés les asques)  hypogés (car sous terre).

 

Spores de la truffe du Périgord (source Wikipedia)

 

Comme tous les champignons, la truffe (à l'inverse des autres végétaux) ne produit pas de chlorophylle (donnant la couleur verte aux feuilles...).Pour vivre et obtenir les apports nécessaires en nutriments, elle doit donc s'accrocher à un autre organisme vivant qui en fabrique. C'est l'arbre-hôte !

 

Au printemps, lors de la germination naturelle des spores (équivalent des "graines"), celles-ci développent un réseau d'hyphes souterrains (les filaments de mycélium) qui s'accrochent aux racines (plus exactement aux toutes petites racines : les radicelles).

 

De la rencontre entre le mycélium et la radicelle naît un tissu végétal particulier : la mycorhize.

 

Schéma extrait du site planfor.fr 

 

C'est par son intermédiaire que la truffe puise ses ressources vitales et que les échanges ont lieu avec l'arbre-hôte.

 

Une fois la mycorhize formée soit, naturellement par la présence de spores, soit, parce que l'arbre a été ensemencé par l'homme, il faut environ 10 ans pour que toutes les racines soient micorhizées. Les truffes se forment alors. On parle de véritable symbiose entre l'arbre et le champignon car chacun y trouve son compte : la truffe pour se nourrir, l'arbre-hôte pour être en bonne santé et grandir plus vite.

 

La truffe permet en particulier à l'arbre de multiplier son réseau racinaire car il puise aussi dans le sol des éléments nutritifs comme l'eau, les sels minéraux (comme le phosphore...) par le réseau de mycorhizes qui le protège aussi  des maladies. L'arbre résiste ainsi davantage à la sécheresse, grandit plus vite et résiste mieux aux maladies et à la période hivernale.

 

La présence des mycorhizes se voit de l'extérieur car autour du tronc de l'arbre-hôte il y a un cercle avec une végétation moindre ou inexistante : c'est ce qu'on appelle le brulé.

 

La truffe se forme au printemps : le mycélium se rétracte et forme de petites boules : les primordia (= les "bébés" truffes !).

 

Chaque primordium est entouré d'une membrane protectrice : le peridium.

L'intérieur de la truffe est formée d'une masse charnue dans laquelle se trouvent les asques contenant les spores (qui serviront à la reproduction) : c'est la gleba.

 

Vers le mois de juillet, les primordia se détachent et deviennent indépendants. Seulement quelques-uns deviendront des truffes. Ils continuent leur développement de façon autonome, se nourrissent grâce aux filaments externes rattachés aux écailles, puis atteignent leur maturité et fabriquent les spores. Vers l'automne peu avant la récolte,  la truffe prend ses arômes caractéristiques et atteint sa grosseur définitive.

 

Si la truffe n'est pas ramassée, elle libérera ses spores dans le sol au printemps et le cycle recommencera.... 

 

 

 

Pour qu'une truffe se forme il faut que le sol et le climat soient favorables mais aussi que l'arbre-hôte ne manque de rien...Mais l'homme n'a toujours pas compris pourquoi certains arbres produisent des truffes et leurs voisins non !! Ce qui rend la truffe mystérieuse et imprévisible... 

 

La cueillette des truffes

 

L'homme a souvent utilisé le cochon (muselé sinon il mange la truffe !) puis maintenant le chien. On ne voit plus grand monde se balader avec un cochon dans les bois.

Le cochon cherche naturellement la truffe car il aime en manger mais il faut par contre, dresser le chien. Tous deux ont un bon odorat, savent détecter les truffes et  gratter la terre à l'endroit de leur emplacement.

 

Une autre méthode consiste à observer une mouche qui se pose en surface à l'emplacement de la truffe et pond ses œufs au dessus des truffes.

 

 Cette mouche s'appelle la Suilla fuscicornis.

 

Les cueilleurs sont appelés des rabassiers en Provence ou caveurs ailleurs ! Une fois l'emplacement de la truffe repéré, le rabassier utilise un outil spécifique, le "cavadou", une sorte de piolet. Il doit faire attention à ne pas abîmer les filaments (le mycélium) qui permettra de produire d'autres truffes au même endroit l'année suivante.

 

Remarque : Il en est de même pour tous les autres champignons. Il faut les couper au pied pour préserver le mycélium et non pas les déterrer !

 

Comment les choisir ?

 

Les truffes doivent être fermes, charnues et sans aucune meurtrissure ou cassure. Certains fraudeurs les ramassent avant maturité et les colorent avec du brou de noix alors qu'elles n'ont pas encore développé leur arôme !

  

Comment les cuisiner ?

 

Il vaut mieux, comme pour tous les autres champignons, ne pas les laver sous l'eau ou le faire très rapidement... l'idéal est de les brosser en surface pour enlever le maximum de terre résiduelle.

 

Les truffes entrent dans de multiples préparations : brouillades, omelettes, farces, sauces, terrines, pâtés, foie gras...

Quelques lamelles suffisent pour parfumer tout un plat !

 

Ne pas conserver les truffes fraîches plus d'une semaine au frais. Prendre bien soin de les placer dans une boîte hermétique car sinon tous les aliments du frigo seront à la truffe. Quelques conseils pour les conserver ici sur ce blog...

 

Quelles sont ses vertus ?

 

La truffe est riche en protéines, en potassium et en fer. Les romains lui prêtaient des vertus thérapeutiques et aphrodisiaques.

Elle aiderait à lutter contre les vomissements, les douleurs, la faiblesse des malades, la goutte et permettrait de cicatriser les plaies...

 

Ces vertus étaient encore reconnues au XIX°siècle et ont également été vantées par le grand médecin arabe, Avicenne.

 

Actuellement, on n'explique toujours pas pourquoi on lui a prêté des vertus aphrodisiaques.

Si la truie cherche avec frénésie les truffes c'est parce que son odeur caractéristique lui rappellerait une phéromone émise par les testicules du porc avant la saillie !

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P
bonjours est ce que les truffes(de surface )poussent elles plusieurs fois au même endroit en été?En gros est ce que sous le meme arbre ont peut trouver a quelques semaines d’écart des truffes??Merci d’avance
Répondre
M
Les truffes ne sont pas toutes prêtes au même moment sous le même arbre. Il peut donc y avoir un décalage dans les récoltes. Celles d'hiver se récoltent de novembre à mars, celles d'été ont une période de récolte plus courte entre mai et août selon les années et les pluies de printemps. Les deux peuvent cohabiter sous le même arbre...je ne sais pas si je réponds à votre question :) bonne journée