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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

"Simon, Anna, les lunes et les soleils" de Verena Hanf

"Simon, Anna, les lunes et les soleils" de Verena Hanf

Simon se retrouve brutalement tout seul : Virginie, sa compagne, vient de le quitter sans explications. Il va la surnommer "la déserteuse" tout au long du roman et le lecteur n'apprendra son prénom qu'à la fin... 

Malgré les tentatives d'oubli dans l'alcool et devant le silence pesant de son smartphone, il s'effondre. Comme il est "épuisé de faire semblant que tout est comme toujours", il décide de partir.

 

Le voilà en route pour un petit village d'Alsace où, lorsqu'il était enfant,  il passait des vacances heureuses avec ses parents. Là, dans l'hôtel de son enfance qui a changé de propriétaire et de décor, il va tenter de se ressourcer et de comprendre...

Mais au milieu de la nature sauvage des Vosges et de l'hiver qui  se renforce, il se sent très seul et un peu perdu.

Il va pourtant faire la connaissance d'Anna, une mystérieuse et attirante jeune femme, un peu hautaine et énervante au départ qu'il surnommera le premier jour, la "femme corail" à cause de la couleur de son collier. Elle aussi s'est installée à l'hôtel.

Avare de mots, renfermée sur elle-même et sur son passé trop douloureux, il est difficile pour Simon qui va lui-même plutôt mal,  d'établir un contact naturel avec elle. Il la surnomme d'ailleurs non sans humour,  "Madame non" parce qu'elle ne répond aux questions que par "oui" ou "non" mais surtout par "non"!

La neige va inévitablement les rapprocher car il est impossible de faire des randonnées...

 

Anna, avec réticence au début,  va accepter peu à peu de lui livrer le récit de son enfance douloureuse. Au fur et à mesure que, non sans pudeur et retenue, elle raconte son enfance, Simon, à qui la déserteuse reprochait toujours de ne pas savoir écouter, va se passionner pour la vie de la jeune femme et peu à peu oublier la sienne. Il retrouve même un peu de gaieté et d'insousiance et lui raconte à son tour les raisons de sa venue.

C'est plus facile de se livrer à une inconnue...n'est-ce pas ?

 

Anna est revenue dans le village pour débarrasser la maison où elle a vécu toute petite (sa mère vient de mourir). Elle pense la revendre et au fil des souvenirs douloureux, elle se surprend à réaliser combien elle y est attachée... Simon fera tout ce qui est en son pouvoir pour l'aider, aide qu'elle acceptera ce qui est déjà un grand pas pour elle !

 

Simon va également tomber sous le charme d'Odile, la jeune directrice de l'hôtel. Il est surpris d'être attiré par deux jeunes femmes différentes à la fois, lui qui a la réputation d'être plutôt "ringard"...

C'est la preuve qu'il reprend confiance dans la vie et s'ouvre à nouveau aux autres !

 

 

Ce que j'en pense

 

 

Ce n'est pas un livre triste, il montre même un certain optimisme et permet de garder l'espoir que les épreuves de la vie puissent être un jour surmontées.

C'est un roman étonnant et émouvant qui nous fait entrer peu à peu, par petites touches pudiques, dans la vie de deux  personnages très différents l'un de l'autre. Ils  sont si vivants et réalistes qu'ils nous touchent en plein coeur par leurs maladresses et leurs contradictions qui leur donnent encore plus d'humanité.

 

Au début le lecteur garde une certaine distance avec eux (comme dans la vraie vie). Après tout on ne les connaît pas comme eux ne se connaissent pas !

Puis Simon se livre avec la pudeur habituelle des hommes : il est assez avare de mots, donne peu d'explications.

Les phrases sont courtes, hachées, directes, l'écriture est sans fioriture comme ses pensées. Simon passe d'un sujet à l'autre pour toujours revenir vers la déserteuse : il attend un SMS, un mail, un signe quelconque d'elle, en vain.

Anna, elle, ne nous apparaît pas du tout sympathique. Elle est froide et distante, plutôt fermée, rigide et inaccessible. Simon, en tant qu'être "civilisé" fait tout pour briser la glace sans pour autant vouloir paraître trop curieux.

Au fur et à mesure que Simon va mieux, qu'il prend du recul, qu'il entre dans l'écoute de l'histoire d'Anna, l'action semble plus lente, les  phrases plus longues... Il a le temps ! Puis lui aussi lâche prise, se livre et se raconte.

 

C'est à ce moment-là que le lecteur pénètre encore plus avant dans la psychologie des personnages.

Il partage leurs difficultés de vivre avec un passé trop douloureux et lourd à porter, les mystères, les mensonges...

Il s'installe avec eux dans la grande salle de l'hôtel et partage leur repas.

Il comprend la difficulté de faire plus ample connaissance, de se laisser aller quand on est deux inconnus blessés par la vie et qu'on a vécu dans des milieux sociaux différents.

En effet Simon n'a manqué de rien, ni de jouets, ni de beaux habits, ni de vacances, ni de présence parentale, il est conscient d'avoir eu une enfance dorée, avec des parents et des grands-parents aimants.

Anna, elle, a vécu une vie modeste avec Eleonore, sa mère, pâtissière, et un père absent, dont sa mère n'a jamais voulu lui parler. Pas de grands-parents non plus car sa mère n'avait plus de contact avec eux... Seule Clotilde, la marraine, a su "être là quand il le fallait".

 

L'auteur met en scène les personnages et les événements comme on assemble petit à petit un puzzle dont on ne connaîtrait pas l'image finale...

Elle a un talent tel que lorsqu'on commence la lecture, on ne lâche plus le livre car au fur et à mesure, les personnages prennent de l'épaisseur, deviennent plus humains, expriment leurs souffrances, leurs attentes, leurs déceptions... avec une justesse de ton très réaliste. L'auteur joue avec les mots et c'est un vrai plaisir de la lire.

 

Ce qui est formidable, c'est que je n'ai pas senti venir la chute, même si après coup je me suis rappelée quelques mots, quelques coïncidences évidentes, des éléments de l'histoire qui auraient dû me mettre la puce à l'oreille. 

Mais chut, vous pensez bien que je ne vais pas vous les énumérer, ni vous raconter la fin  !

 

Tout ce que vous avez le droit de savoir avant d'entamer la lecture de ce court roman c'est que nos deux êtres solitaires ignorent tous les deux que leur destin est en marche et qu'inexorablement ils vont l'un comme l'autre, faire des découvertes surprenantes sur leur passé...qui les obligera à revisiter le présent et peut-être à changer leur vision de l'avenir.

Grâce au dialogue, à l'écoute mutuelle et à quelques touches d'humour, ils seront prêts à affronter les épreuves qui les attendent tout en trouvant des réponses à celles du passé...

Mais surtout ils ne devront pas oublier d'avoir auprès d'eux un sucrier pour Anna :) !

 

J'ai fait une belle découverte en lisant ce roman de Verena Hanf. Cette lecture me donne envie de lire son premier roman "Tango tranquille" que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire et cette découverte, je la dois à l'éditeur "Le castor astral", que je remercie chaleureusement ici puisqu'il a fait entrer dans  "ma bulle" un nouvel auteur à suivre...

 

 

Quelques extraits que je trouve magnifiques et bien dans le ton du roman !

 

" Partir, pourquoi pas ?... Je changerai d'air, je ferai de grandes randonnées, comme à l'époque où une femme était une mère ou une maîtresse, puis un exploit ou une promesse. Pas une défaite".

 

" Les onze années passées ensemble, on les remballe, on les fourre dans un sac gris, on les jette à la poubelle, elles ne sont pas recyclables."

 

" Moi curieux ?... Il était tellement classique et rabâché, ce reproche, tellement "Marie-Claire" rubrique problèmes de couple que je n'avais pas la force de poser des questions, de me montrer interessé pour le désamorcer".

 

"Mais peut-on éprouver réellement le manque de quelqu'un ou d'une relation qu'on n'a jamais connu ?... Je me dis que ce sont sans doute juste les idées qu'on se fait de ces personnes absentes et le rêve qu'on tisse autour d'elles qui procurent ce sentiment d'un vide à remplir."

 

" Je la regarde et je me dis qu'il y a des moments dans la vie qui sauvent le reste, qui valent le tout. Des moments de grâce qui font se volatiliser les routes désertes..."

 

" Respirer, expirer, espacer. Je me force à visualiser la voie lactée, à me souvenir que c'est  une voie parmi des milliers d'autres, qu'il y a des systèmes solaires et des galaxies infinies dans un espace sans limites. Face à cette immensité,  microscopique  poussière d'être que je suis, quelle importance les mirages ? Quelle importance tous ces chemins terrestres qui se croisent ? ..."

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