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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Canada de Richard Ford

Canada de Richard Ford

Prix Femina Étranger 2013

 

Le narrateur, Dell Parsons, a 15 ans lorsque sa vie bascule. Âgé d'une soixantaine d'années, il revient avec calme et lucidité sur les événements marquants de sa vie...

« D'abord, je vais raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite les meurtres, qui se sont produits plus tard. C'est le hold-up qui compte le plus, parce qu'il a eu pour effet d'infléchir le cours de nos vies à ma sœur et à moi. Rien ne serait tout à fait compréhensible si je ne le racontais pas d'abord... »

C'est par cette phrase que débute le roman...

 

Dell vit avec Berner, sa sœur jumelle et ses parents, Beverly et Neeva, dans la petite ville de Great Falls au début des années 60.

Là, dans le Montana, la famille n'essaie même pas de s'intégrer. Cela n'en vaut pas la peine pense la mère... Dell rêve d'apiculture, de jeux d'échecs et de lycée car il aime apprendre. Sa sœur rêve de quitter les parents et de fuguer avec Rudy, son petit ami du moment.

 

Les parents forment un couple étrange : ils sont si différents ! La mère, Neeva, plutôt bohème et cultivée, est devenue institutrice dans le village d'à côté. D'origine juive, elle est de petite taille et très discrète, voire renfermée et très isolée. Le père, Beverly, ancien pilote de bombardier de l'Air Force est plutôt désœuvré depuis qu'il a pris sa retraire. Jovial et sociable, optimiste et charismatique mais imprudent, il monte des plans foireux avec les indiens, se retrouve mêlé à des petits trafics. Sa naïveté va l'amener à contracter des dettes...ce qui représente pas mal d'argent alors que la famille n'en a pas. Les menaces tombent : les indiens n'ont pas confiance.

Beverly ne trouve qu'une seule solution : dévaliser une banque (à main armée). Pour éviter qu'il n'entraîne Dell avec lui, sa femme accepte de l'accompagner. Les voilà partis tous les deux dans le Dakota du Nord, un matin du mois d'août, quelques jours avant la rentrée des classes, se rappelle Dell.

Ils se font prendre sans tarder pourtant rien ne les prédisposait à devenir des criminels et les deux ados se retrouvent seuls....

 

Mais avant d'être emprisonnée, leur mère avait tout prévue : elle les a confié à Mildred, une amie, qui doit les amener au Canada chez son frère, Arthur Remlinger, directeur d'un petit hôtel, lui même recherché pour meurtre.

Mais Dell s'y retrouve tout seul. Berner a préféré s'enfuir en Californie (d'où elle lui écrira plus tard) par peur d'être enfermée dans un orphelinat jusqu'à sa majorité.

Là, dans le Saskatchewan, au milieu de nulle part, Dell va se retrouver isolé, dans un milieu très masculin, seul avec ses pensées qui l'assaillent et ses rêves qui ne le quittent jamais. Il va être obligé de grandir tout en observant les adultes et en cherchant à les comprendre.

Le travail quotidien l'aidera à s'occuper l'esprit : il fera de menus travaux d'entretien dans l'hôtel et aidera à organiser, sous la coupe de Charley, un métis qui travaille sous les ordres d'Arthur et que Dell n'aime pas, des chasses à l’oie pour des touristes américains (les Fusils) ce qui lui permettra de vivre au milieu de la nature.

Mais encore une fois, les adultes vont le surprendre et il va se retrouver mêlé à un règlement de compte inattendu...

 

Plusieurs décennies après, marié et devenu professeur, il retrouvera sa sœur qui lui donnera le carnet de notes de sa mère, écrit en prison, avant son suicide.

Comment a-t-il réussi à se reconstruire après un tel désastre ?

C'est quoi une vie normale ? Et le bonheur ?

Que comprenons-nous à notre vie pendant que nous sommes occupés à la vivre ?

La vie et les sentiments de ce jeune adolescent livré à lui même, son désir de vivre une vie "normale" dans une famille comme les autres et la façon dont il dissèque ses propres sentiments et cherche à comprendre ses parents, les adultes et le monde qui l'entoure est tout à fait poignant.

Ce roman ne peut nous laisser indifférent  et nous happe dès la première phrase ! Le lecteur a d'ailleurs l'impression de lire une autobiographie tant les personnages semblent réels, la description des lieux et des événements, précis et riches en détails, et les sentiments des différents protagonistes, plausibles...

C'est un livre qui permet de réfléchir aussi à la notion de frontière : frontière entre le bien et le mal, entre les peuples, entre la normalité et l'anormalité, le sens ou le non-sens, ou encore le bonheur et le malheur...

 

A lire absolument ! Encore une découverte car je n'avais jamais rien lu de cet auteur...L'écriture est superbe !

 

Quelques extraits :

 

"Avec les années, j'ai tendance à croire que toute situation humaine se retourne comme un gant...Je ne tiens rien pour acquis et j'essaie d'être toujours paré au changement qui s'annonce".

"...j'avoue être intrigué de constater à quel point une conduite ordinaire peut perdurer à la lisière de son contraire parfait".

"Les changements qui vous changent une vie ne se présentent pas toujours comme tels".

" La solitude c'est comme se trouver dans une longue file d'attente, dans le but de parvenir à la première place, celle où l'on vous a dit qu'il vous arriverait quelque chose de bien. Sauf que cette file n'avance pas..."

" La vie est une forme qu'on nous présente vide..."

"Ce que je sais, c'est qu'on a plus de chances dans la vie, plus de chances de survivre, quand on tolère bien la perte et le deuil et qu'on réussit à ne pas devenir cynique pour autant, quand on parvient à hiérarchiser, à garder la juste mesure des choses, à assembler des éléments disparates pour les intégrer en un tout où le bien a sa place, même si, avouons le, le bien ne se laisse pas trouver facilement. On essaie. On essaie, tous autant que nous sommes. On essaie. "

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